Les hôtes à plumes d´hiver
Les hôtes à plumes d´hiver
Les immigrants arrivent tandis que d’autres espèces repartent
En hiver, de nombreux oiseaux migrent vers les régions chaudes du sud, tandis que d’autres arrivent du nord. Nous les appelons « hôtes hivernaux ». Les canards font partie des hôtes les plus fréquents et les plus nombreux. On peut surtout les observer sur les grands lacs. Mais ils prennent également leurs quartiers d’hiver sur le Rhin et la Thur. On remarque notamment la plus petite espèce de canard présente en Suisse et dans toute l’Europe, la sarcelle d’hiver (Anas crecca). Lorsque les lacs et les étangs gèlent dans les zones de nidification du nord de l’Europe ou de l’Asie et que sa nourriture se fait rare, elle migre alors vers des régions au climat plus doux.
Une beauté qui se réinstalle
En hiver tout particulièrement, on rencontre dans les zones alluviales de la Thur une autre espèce fascinante, l’élégante aigrette garzette (Ardea alba). Sur les rives des rivières et des lacs, elle patauge ou se tient immobile dans les prairies à la recherche de nourriture. La belle robe blanche de l’aigrette aurait pu lui être fatale au 19e siècle. L’aigrette a failli être exterminée, car ses plumes ornaient les chapeaux de la haute société et étaient utilisées comme parure pour les dames. Les mesures de protection ont contribué à une reconstitution remarquable des populations dans toute l’Europe et, heureusement, les espaces de reproduction de l’aigrette garzette ne cessent de s’étendre. En Suisse, la première reproduction a été documentée en 2013 mais les reproductions suivantes demeureront exceptionnelles.
Un avenir incertain pour la migration des oiseaux
Dans les années 60, une nouvelle espèce a migré dans nos eaux. La moule zébrée (Dreissena polymorpha) envahi de nombreux cours d’eau et continue à se reproduire rapidement, évinçant d’autres espèces – la moule zébrée est une espèce dite « néozoaire ». Elle a également un impact sur la migration des oiseaux. Dans la région du lac de Constance, on a pu observer que les canards plongeurs migrateurs, comme le fuligule morillon (Aythya fuligula), profitent des nouvelles offres en nourriture et que davantage d’oiseaux y passent l’hiver au lieu de migrer vers le sud. En 2016, on a identifié pour la première fois la proche parente de la moule zébrée, la moule quagga (Dreissena bugensis). Depuis, cette espèce de moule s’est fortement répandue et a largement supplanté la moule zébrée. Actuellement, des recherches sont menées sur les effets de ce néozoaire sur la migration des oiseaux, mais aussi sur l’écosystème du lac de Constance.
Le changement climatique, également, perturbe la migration des oiseaux. Les migrateurs, à courte distance, reviennent de plus en plus tôt en Suisse ou ne partent même plus du tout et nos hôtes du nord pourraient bien faire de même. Toutefois, leurs zones de nidification risquent, avec le dégel du permafrost, de se modifier fortement. On ne sait pas encore si les oiseaux réagiront en changeant leur route de migration et quels seront, à l’avenir, leurs effectifs.